RAKU
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Origine des CHA-NO-YOU
Extrait de : L'art de la poterie : Japon-France, par un potier / William Lee 1913
Que devenait pendant ce temps la science du thé que nous savons étroitement liée au progrès de l'art qui nous occupe ? C'est ce que nous allons essayer d'exposer en reprenant les choses d'un peu plus haut. Ce détour nous ramènera aux Chano-you du XVe siècle et à leur promoteur, le puissant seigneur Ashikaga Yoshimasa.
On fait remonter les assemblées de thé à 600 ou 700 ans (environ l'an 1200). Elles traversèrent trois phases. D'abord cérémonies purement religieuses étroitement liées au culte bouddhique, elles dégénèrent ensuite en prodigieuses scènes de débauche, pour se relever enfin sous la forme d'assemblées d'esthétique et d'art qui étaient aussi des académies de politesse.
A l'origine, des bonzes, de la secte Zen, éprouvant le besoin d'une drogue pour se tenir éveillés et prolonger leurs pieuses méditations, eurent recours au thé qui était une médecine.
Vers 1200, le prêtre Eisaï présente au Shogun Minamoto-Sanetomo un traité sur la « salutaire influence du breuvage thé ». Ce ministre, jeune et débauché, s'adonnait à l'ivrognerie et le saint abbé, pour le détourner de ces excès, essaya de lui faire adopter un cérémonial semi-re« ligieux, sorte de cène où le vin était remplacé par le thé : c'est là, semble-t-il, la première formule de la cérémonie.
Et, d'ailleurs, les cérémonies du thé ont conservé jusqu'à nos jours quelque chose de cultuel. Il n'est pas rare que les pratiquants se rasent la tête et s'affilient à la secte Zen. Les diplômes de maîtrise se délivrent encore aujourd'hui au seul temple Daï-tokuji à Kyoto.
Plus tard, nous trouvons les séances de thé transformées en scènes de galanterie et de débauche. Un document de 1330 nous en trace le tableau suivant : « Dans de vastes appartements remplis d'objets précieux les Daïmyos reposent étendus sur des lits de peaux de léopards. Un repas composé de mets rares était servi. Des thés d'espèce et de préparation très différentes étaient ensuite apportés et l'amusement des convives consistait à deviner la provenance de chaque breuvage. Celui qui avait deviné juste recevait en cadeau un des objets d'art répandus dans la pièce. Mais les règles de la galanterie d'alors exigeaient qu'il fil présent de son gain aux courtisanes, danseuses et musiciennes qui apportaient leur charme à ces fêtes. »
De telles mœurs entraînaient, est-il besoin de le dire, beaucoup « de dérèglement et de ruines.
Tel était encore l'état des Cha-no-you lorsque parut Yoshimasa (1436-1490).
On sait que celui-ci, sorte de tyran magnifique et féroce, se démit du Shogunat afin de pouvoir se consacrer tout entier à ses vices raffinés et à sa passion pour le thé. Dans son vaste palais de Kyoto il fit élever, joints à une pagode, divers locaux de proportion calculée, et c'est là que, de concert avec ses deux favoris les bonzes voluptueux Shuko et Shinno, il élabora le Code du Cha-no-you encore en vigueur de nos jours. Les anciennes règles furent révisées, tout fut minutieusement ordonné et — principale réforme— la dimension de l'appartement ramenée à une mesure canonique de 3 mètres sur 3 seulement. (Nous donnons plus loin d'autres détails.)
Voici comment s'exprime, sur le compte de ce personnage, une Histoire sommaire du Japon publiée sous le contrôle du gouvernement mikadonal : Pendant son gouvernement, Yoshimasa avait été grand amateur de plaisirs ; ce fut lui qui encouragea par son exemple les réunions dites Cha-no-yu (réunion pour prendre du thé et dont l'étiquette est très compliquée). Il fit construire la célèbre villa de I-ligashiyama à Kyoto où il réunit une riche collection de tableaux et d'antiquités. « Cette villa était entourée de jardins magnifiques que l'on admire encore aujourd'hui.
Malheureusement, les prodigalités de Yoshimasa firent de grandes brèches au trésor et le peuple eut à en souffrir. Sous ce règne, le prêtre Sesshiu revint de la Chine. Ce prêtre fut un des plus grands peintres du Japon. On cite également Kudara-Kawanari, Kosé-Kanaoka et le prêtre Meicho. Les deux familles Tosa et Kano qui ont produit plusieurs artistes célèbres, datent du temps de l'administration des shogun de la famille Ashikaga
Yoshimasa
D'après l'érudit archéologue Ninagawa, « vers 1460, Yoshimasa, passionné pour le luxe, commença à se livrer sans retenue aux plaisirs de la table. Il bâtit des palais, creusa des lacs, fit venir de toutes parts des plantes exotiques et des statues de pierre colossales. Le peuple ne put supporter sa tyrannie et se plaignait continuellement, de sorte que, en 1475, Yoshimasa abdiqua la dignité de Shogun et se relira bientôt dans sa villa de Higashi-yama (Kyoto) en 1480.
« C'est là, dit le Yo-jin-fushi (ouvrage qui décrit la province de Yamashiro), qu'il se divertissait à collectionner les vieux dessins et les « vieux vases et à fabriquer suivant son goût une variété de nouvelles poteries dont les nombreux spécimens qui se sont conservés jusqu'à nos jours, sont connus sous le nom de Higashi-yama dono on shina (objets précieux du seigneur de Higashiyama). La plupart de ces objets ont été fabriqués soit par ses chambellans, soit par ses amis qui ont légué cet art à la postérité. »
D'après le Kokon-meibutsù-ruijù, Yoshimasa était grand collectionneur d'antiquités. Il tenait souvent des réunions de cha-no-yu dans sa villa de Higashiyama où il avait une riche collection d'ustensiles de thé et d'autres curiosités. Noami et Soami1, deux célèbres maîtres de cha-no-yu, étaient chargés par lui de rechercher les objets rares de toute sorte, de leur donner des noms et d'apprécier leur valeur.
Ce shogun avait fait construire, attenant à la pagode de Gin-Kakudji, une chapelle où il avait réuni comme un musée d'objets rares et tout auprès une sorte de cellule étroite n'ayant que 9 mètres carrés en superficie. C'est là qu'il donnait ses réunions du chanoyu auxquelles étaient invités Shuko, son maître de thé, et plusieurs seigneurs de sa cour. C'est à dater de cette époque que le chanoyu devint un véritable art avec toutes ses règles bien fixées.
Le bonze Shuko fonda le système du Ma-cha (thé en poudre) avec ses lois fort compliquées. Yoshimasa se fit son élève. Shuko mourut en 1502, survivant à son maître, lequel s'éteignit en 1490. Shin-noami (ou Shinno) et Shin-soami, attachés à la famille Ashikaga, avaient pour fonction d'organiser les réunions, de garder les ustensiles, d'examiner divers objets tant chinois que japonais, et de faire le thé selon les règles du Chano-you. Shinno était, dit-on, très avisé connaisseur en curiosités. Il fut l'inventeur d'une sorte de cuiller pour puiser la poudre de thé qu'il façonna de ses propres mains, de sorte qu'il devint de mode, entre amateurs de thé, de fabriquer soi-même sa cuiller.
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